Cleo Sylvester ; dresseur.

Cleo est née dans ce que l'on appelle communément une famille recomposée. Son père avait une fille de son précédent mariage, et sa mère un garçon de son ancien concubin. Être la petite troisième, le frêle bout de scotch qui ligote vaguement une famille d'inconnus par les liens du sang, c'est un rôle étrangement aigre-doux. Sa grande sœur, aux anges d'enfin avoir un poupon plus réel que la dernière peluche melofee reçue pour son anniversaire, l'adorait tout simplement. Cajolée, choyée, brossée, lavée, habillée, son aînée la traita et la traite encore comme la septième merveille du monde. Son frère en revanche, passa leurs enfances à la malmener. Peut-être qu'étant gamine, Cleo se voulait masochiste, car elle aimait ça. Elle aimait qu'il la pousse dans les escaliers, elle aimait qu'il passe ses journées à se plaindre d'elle, elle aimait qu'il soit jaloux ou point de donner des coups de points dans les murs. Elle aimait être le centre de son monde, parce qu'elle-même était obnubilée par lui. Aux yeux de la gamine, chacun des actes du garçonnet méritait d'être observer avec ferveur, dans son petit crâne d'enfant s'était élevé un véritable culte en l'honneur de cet aîné si autonome, fier et sûr de lui. Seulement lorsque celui-ci, alors âgé de douze ans, disparut sans crier garde, Cleo eut la drôle d'impression que vivre avait pour synonyme se faire écraser le thorax par une force invisible et drôlement agaçante. Il était parti, tout simplement parti à l'aventure, elle le savait : il n'avait plus rien à attendre d'une mère comblée par son nouveau mari, son nouvel enfant. Alors il avait enfilé ses chaussures, ajusté son sac à dos et s'en était allé en compagnie de son brave carabaffe. La petiote passa plusieurs mois à se morfondre, laissant sa grande sœur s'occuper de son hygiène, de son alimentation, de sa scolarisation, en bref elle faisait la larve, un vrai couverdure. « Si je lui avait dit à quel point je l'aimais, il ne serait peut-être pas parti. » Petit à petit, la gamine prit des galons, ses regrets ne s'amenuisaient pas, mais puisque l'existence se bornait à vouloir continuer son cour sans daigner faire la moindre petite pose, elle n'eut pas d'autres choix que de continuer à avancer. Et puis, il n'y avait pas mort d'homme. Elle savait qu'il était quelque part, dans ce grand, très grand monde, pokéball en poche. Alors chaque jour à l'école, elle regardait par la fenêtre et pensais qu'il était peut-être en train de combattre un champion d'arène, de capturer un pokémon farouche, de s'aventurer dans une zone dangereuse avec ses camarades. Un éleveur, ou un dresseur, ou autre chose ? Que pouvait-il bien être, que pouvait-il bien faire. Gribouillant ses aventures et mésaventures imaginaires sur ses livres, s'inventant un périple du bout de son crayon, elle finit par remarquer que fermer les yeux ne lui suffisait plus. Rester assise sur une chaise toute la journée en pensant à cette faune, à cette flore, à ces péripéties incertaines, il lui fallait plus, il lui fallait la même chose mais les yeux ouverts, debout quelque part au fin fond de Pleiku. Bien entendu lorsqu'elle en parla aussi mollement que crument à ses parents, personne dans sa famille n'accepta l'idée qu'une gamine de quinze ans s'en aille danser la java avec des pokémons sauvages. Surtout qu'elle avait de bonnes notes à l'école, gâchis disaient-ils. Suite à cette conversation sa bouche se tordi, elle resta grimaçante des jours entiers. Son aîné était très bon à l'école lorsqu'il avait disparu, en plus il était de deux ans plus jeune qu'elle aujourd'hui, et personne ne s'était véritablement affolé pour le poursuivre. Pourquoi personne ne s'était inquiété pour lui, pourquoi personne n'avait essayé de le retenir, pourquoi personne n'était allé le chercher. Levant enfin les fesses de son lit, elle enfila ses chaussures, ajusta son sac à dos et ouvrit la porte.

- Maman, papa, je vais chercher grand-frère, bisou !

Assez perturbée par le regret de ne jamais avoir dit à son aîné à quel point il comptait pour elle, Cleo est aujourd'hui une jeune fille franche, voir même un peu trop directe. Elle ne passe jamais par quatre chemins et dit toujours ce qu'elle pense, les malentendus et autres quiproquos sont vite démantelés par quelques mouvement combinés de sa langue et de ses lèvres. Seulement elle n'en est pas bavarde pour autant, à vrai dire elle passe plus de temps à bouger qu'à parler, agir est la meilleure façon de faire avancer les choses et elle prétend avoir passé suffisamment de temps immobile. Ses actions contrastent énormément avec son tempérament calme et serein, à croire qu'elle ne passe jamais par des états d'esprits tels que l’excitation ou la panique, elle avoue elle-même n'avoir peur que des sharpedos lorsqu'elle est dans l'eau avec eux. Si on l'écoute, tout problème a sa solution, il suffit alors de claquer des doigts et de se mettre activement à la mise en place de la dite solution. Caractère mis à part, il semblerait qu'elle soit incapable de résister à l'appelle d'une limonade ou d'un soda cool, serait-ce une tare psychologique ou de la simple gourmandise, nul ne le sait.

Une adolescente comme tant d'autres. Un peu plus petites que les demoiselles de son âge, Cleo peine à atteindre le mètre soixante et stagne, du haut de son un mètre et cinquante-huit centimètres. Pas bien épaisse, on a parfois l'impression qu'il suffit de serrer un peu trop fort d'un de ses maigres poignets pâlichons pour que ce dernier se brise. Fort heureusement il n'en est rien et sous ses airs de fine donzelle à la peau manquant cruellement de mélanine, Cleo se veut souple et robuste. Du moins, bien assez pour grimper aux arbres et escalader des sentiers escarpés. Son endurance se veut surprenante mais elle n'est pas plus extraordinaire qu'un autre, c'est juste qu'on ne s'attend pas à la voir trotter normalement lorsqu'on la voit pour la première fois. Corpulence mise à part, ses signes distinctifs sont très certainement ses trop longs cheveux brun, raides comme des baguettes, qu'elle ne prend la peine d'attacher que lors des grandes chaleurs et autres traversées de désert, et cette façon qu'elle a de toujours pencher le crane sur la gauche lorsqu'elle réfléchi ou ne comprend pas ce qu'on lui dit.

Syrup, son Kraknoix, lui a été offert par une vieille éleveuse de son village. À vrai dire, le jour où Cleo décida de quitter son confort, elle alla toquer à la porte de la vieille femme et réclama un œuf pour partir à l'aventure. Transperçant l'adolescente d'un regard se voulant à la fois blasé et abasourdi par cette demande stupide, la retraitée s'en alla sans refermer la porte et, alors que Cleo attendait sur le pallier, elle déposa un jeune Kraknoix dans ses bras. Puis elle lui demanda de s'en aller courir la cambrousse ailleurs que dans son jardin. Ainsi débuta leur relation.